top of page
Rechercher
  • jeromedarcy

Le ventre au cœur de la guérison

La communauté scientifique commence à comprendre le rôle capital du microbiote intestinal sur les émotions et l’apparition de pathologies physiques ou psychologiques. Et si le ventre était en quelque sorte la tour de contrôle qui gère notre santé globale ?


Le tube digestif humain abrite 2 à 10 fois plus de micro-organismes que le nombre de cellules qui constituent notre organisme. Cet ensemble de bactéries, virus ou champignons non pathogènes (dits commensaux), anciennement appelé « flore intestinale », est aujourd’hui plus connu sous le terme de « microbiote intestinal ». Tout comme l’ADN et les empreintes digitales, chacun est porteur d’un profil personnel et unique de microbiote. Cet écosystème complexe, contenant plus de 1000 espèces différentes de micro-organismes, est considéré comme un véritable organe. Et son rôle ne se limite pas au seul bon fonctionnement de notre système digestif. L’éclosion de maladies métaboliques, auto-immunes, neurodégénératives, inflammatoires ou cancéreuses, sont très fréquemment liées, de près ou de loin, à un microbiote appauvri et déséquilibré.


Le ventre, notre « deuxième cerveau »


A l’instar du cerveau qui contient plusieurs milliards de neurones, la paroi du tube digestif en compte environ 500 millions, sensitifs, moteurs et glandulaires. Ils constituent le système nerveux entérique (SNE). Près de 80% d’entre eux sont afférents, autrement dit chargés de transmettre des informations depuis l’intestin jusqu’au cerveau, par le biais de molécules spécifiques (métabolites) secrétées par les bactéries du microbiote. En outre, ces neurones produisent plus de 95% de la sérotonine retrouvée dans l’organisme et autant de dopamine que le cerveau lui-même. Quand on connaît l’importance de ces deux neurotransmetteurs sur l’équilibre psychologique, nous avons tout intérêt à prendre soin des quelques cent mille milliards de micro-organismes qui hantent nos intestins !

Si le système digestif est en communication permanente avec notre « premier cerveau », ce dernier en est aussi l’interlocuteur privilégié. Cette connexion bidirectionnelle explique l’expression « deuxième cerveau », souvent utilisée pour évoquer l’intestin et son microbiote. La façon dont nous ressentons et vivons nos émotions aura un impact sur le fonctionnement de notre intestin et inversement. Un stress aigu, par exemple, peut occasionner des douleurs spasmodiques intestinales, des nausées ou des vomissements provoquer une diarrhée, une constipation… Si l’agent stresseur est durable, les conséquences seront plus importantes et difficiles à maîtriser : modification qualitative et quantitative du microbiote (dysbiose), porosité de la muqueuse de l’intestin grêle avec migration dans la circulation sanguine d’agents pathogènes ou toxiques, malabsorption des nutriments, etc. Et si le ventre ne va pas bien, la tête ne va pas bien non plus ! Les dépressions sans causes extérieures, dites « endogènes », sont souvent liées à une dysbiose intestinale.


Microbiote et pathologies


Depuis quelques temps les chercheurs vont de découvertes en découvertes, pour ne pas dire de surprises en surprises ! La métagénomique (1), une nouvelle façon d’étudier le microbiote, a révolutionné la vision que l’on avait du diabète, de l’autisme, des maladies neuro-dégénératives ou des troubles psychiatriques. Auraient-elles un lien avec notre microbiote ? Plusieurs études tendent à le laisser penser. L’une d’elles (2), menée sur plusieurs années, a montré que l’ablation sélective du nerf vague (3) pour traiter des patients souffrant d’ulcère gastroduodénal, réduisait d’environ 40% le risque de développer chez eux la maladie de Parkinson, par rapport à ceux qui n’avaient pas bénéficié de ce traitement. Celle-ci commencerait donc dans le système digestif et se diffuserait vers le tronc cérébral, via le nerf vague, une des quatre voies de communication intestins-cerveau, avec les voies sanguine, endocrinienne et immunitaire. Une question se pose alors. Comment faut-il soigner cette affection neurodégénérative, en freiner l’évolution, voire la faire régresser ? Pour l’instant la médecine ne propose que la prise de L-dopa, ou la stimulation cérébrale profonde dans certains cas, pour en contrôler les symptômes. Ne faudrait-il pas, dès les premiers signes de la maladie, modifier l’alimentation, mettre en place des protocoles permettant de rééquilibrer le microbiote, tout en agissant sur la perméabilité intestinale et certains paramètres immunitaires ?

Un autre exemple concerne l’autisme. Cette maladie qui touche les jeunes enfants est en nette augmentation dans le monde occidental. Certaines statistiques avancent aujourd’hui qu’une naissance sur 80 serait concernée en France. Actuellement, on ne sait pas la guérir, mais il y a peut-être des raisons d’espérer. La recherche a relevé que les enfants touchés par les troubles du spectre autistique (TSA) étaient porteurs d’une flore intestinale moins diversifiée, allant parfois jusqu’à l’absence totale de certaines souches bactériennes. Ce qui expliquerait qu’environ la moitié des petits patients atteints souffre de problèmes gastro-intestinaux. Partant de ce constat, une équipe de chercheurs américains a choisi de mettre en oeuvre une thérapie audacieuse, à savoir la transplantation de microbiote fécalde porteurs sains dans le tube digestif d’enfants autistes. Une procédure complexe et longue à mettre en place. Mais les résultats ont été convaincants. Au début de cette initiative, 83% des enfants traités étaient diagnostiqués autistes profonds. Après ce traitement, ils n’étaient plus que 17%.

Des recherches sur la maladie d’Alzheimer suggèrent aussi le rôle du microbiote dans cette pathologie. Certaines bactéries inflammatoires pourraient être à l’origine de la formation de la plaque amyloïde dans le cerveau, un des marqueurs du déclin cognitif. L’anxiété, la dépression, la schizophrénie et d’autres affections neuropsychiatriques seraient elles aussi en lien avec un microbiote dysbiotique.


Alimentation, microbiote et émotions


Hippocrate affirmait que « du cerveau, et du cerveau seul, naissent nos plaisirs, nos joies aussi bien que nos peines, nos douleurs, nos chagrins et nos larmes ». Nous savons que le stress, la colère, ou tout autre état émotionnel négatif, influence nos comportements et notamment la façon de nous alimenter. Dans ces moments-là, ce n’est plus la main qui tient la fourchette, mais bien le cerveau ! Grignotages compulsifs, attirance immodérée pour le sucre, l’alcool ou les produits gras, déstabilisent le bon équilibre du microbiote et entretiennent le mal-être émotionnel. Une sorte de cercle vicieux s’installe alors, dont il est difficile de s’extraire. De nombreuses études sur le lien existant entre alimentation, émotions et comportements, permettent aujourd’hui d’identifier les molécules qui agissent de façon bénéfique sur le microbiote, les hormones et les neurotransmetteurs. Oméga 3, antioxydants, oligo-éléments, vitamines et minéraux, aliments lacto-fermentés… sont autant d’actifs ayant un rôle positif sur notre corps mais aussi sur nos émotions. A la clé, moins de dépressions, de sautes d’humeur, d’agressivité, d’anxiété, d’insomnies… En 2002, une équipe de physiologistes de l’université d’Oxford avait déjà alerté sur cette relation entre régime alimentaire et comportements violents ou criminels, suite à une expérience menée dans une prison anglaise. Deux groupes de détenus ont été formés. Dans le premier, des compléments de multivitamines et minéraux ont été ajoutés à l’alimentation. Dans le second, la composition de l’assiette est restée la même. Résultats au bout de 4 mois : 37% de violences en moins par rapport au second groupe dans lequel il n’y eut aucun changement de comportement.

Comment préserver son microbiote ?


Puisque de nombreuses études s’accordent sur un lien probable entre microbiote et maladies modernes, quels comportements adopter pour maintenir notre « deuxième cerveau » en bonne santé ? Plusieurs facteurs peuvent le perturber. Le stress, l’acidose métabolique latente, l’alimentation industrielle, l’antibiothérapie mal maîtrisée, l’inflammation chronique, etc. Pour gérer le stress, la marche consciente en pleine nature, la relaxation, la méditation, le yoga, l’hypnose et la cohérence cardiaque, seront conseillés. L’alimentation sera la moins transformée possible, riche en fruits et légumes frais ou lacto-fermentés, bio si possible, légumineuses et céréales complètes, kéfir, kombucha, lait Ribot, avec apports quotidiens en bons acides gras (olive, colza…) et cuisson vapeur à basse température (95 -100°), afin de préserver au maximum les nutriments. Eviter tout ce qui est trop sucré, trop salé, ainsi que les produits ultra-transformés, qui nuisent sévèrement au microbiote. En cas de maladie déclarée, en relation avec une flore intestinale pathogène, outre les conseils évoqués précédemment, un test d’intolérances alimentaires et/ou du profil bactérien est souhaitable. On rajoutera des actifs réparateurs de la muqueuse intestinale (L-glutamine, curcuma, zinc, vitamines du groupe B…), des immuno-modulateurs naturels si nécessaire, ainsi que des souches probiotiques spécifiques.

« Le ventre est le plus grand de tous les dieux ! » s’exclamait Euripide. Il avait probablement tout compris. Et bien avant nous…


(1) Technique de séquençage et d'analyse de l'ADN. Permet de définir le profil de composition du microbiote.

(2) Etude de l’Institut Karolinska de Stockholm, publiée dans la revue Neurology

(3) Dixième nerf crânien. Transmet des informations sensorielles et neuro-végétatives parasympathiques.


Jérôme d’Arcy

Naturopathe-Iridologue.

Directeur du Collège de Naturopathie Rénovée André Lafon, antenne de Montpellier

23 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page